Qu’est ce que c’est ?
Au bout d’une certaine durée de veille, des substances produites par le cerveau éveillé induisent des signes de fatigue puis un endormissement. Cette durée correspond au rythme de votre enfant. Ce rythme varie en fonction des besoins de votre enfant et de son âge. Il répond à une horloge biologique interne “calée” sur environs 24 heures. Lorsque votre enfant dort, son cerveau produit l’hormone de croissance, intègre les acquisitions et les apprentissages, consolide la mémoire. Il-elle reconstitue son énergie pour la prochaine période de veille, et son système nerveux se construit.
Que se passe-t-il pour votre enfant ?
Les réveils nocturnes des premiers mois sont normaux, l’enfant doit d’abord prendre le rythme jour/nuit (de 6 à 10 semaines), avoir suffisamment de réserves de graisses pour passer plusieurs heures sans boire, atteindre la maturité des cycles de sommeil qui lui permette de faire une nuit complète … Bien qu’il soit généralement admis qu’un bébé doive “faire ses nuits” (5 ou 6 heures d’affilée) à 6 mois, pour 10 % des enfants ce n’est toujours pas le cas à 10 mois. Dans les causes de réveil nocturne fréquentes, on trouve aussi les pics d’éveil, les coliques, les poussées dentaires …
Lorsque la fatigue apparaît, les stimulations extérieures (bruit, lumière, toucher, sollicitations …) sont perçues comme plus intenses voire “agressantes” par votre enfant. Il-elle est moins maître de ses réactions, son seuil de tolérance à tout ce qui est désagréable est beaucoup plus bas, et les tensions accumulées s’expriment (les fameux “pleurs de décharge” des 3 premiers mois, par exemple). De même, lorsqu’il-elle n’a pas assez, ou mal, dormi, on dit facilement qu’il-elle est “grognon”. Savoir s’endormir seul vient avec le temps, l’expérience et les repères que vous lui apportez.
Les pics d’éveil : La croissance de votre enfant n’est pas linéaire, cela vaut pour la prise staturo-pondérale mais aussi pour tout ce qui concerne l’éveil : développement moteur, sensoriel, intellectuel, social. Lors d’un pic d’éveil, l’enfant perçoit le monde sous un jour nouveau, c’est très intéressant, très excitant, et ça peut affecter le sommeil. Si votre enfant, sans raison apparente, se met à moins dormir, et qu’il-elle vous paraît plus vif, se met à faire ou à s’intéresser à des choses nouvelles, vous pouvez vous dire que c’est probablement un pic d’éveil. Si c’est le cas, la surcharge d’énergie induite par les nouvelles acquisition se résorbe au bout de quelques jours, et les choses se régulent d’elles-mêmes assez rapidement.
Qu’est-il-elle en train de vous dire ?
Une fois exclue toute cause médicale et/ou physiologique, les difficultés autour du sommeil sont souvent un recours dont dispose l’enfant pour exprimer un besoin à ses parents. Bien malgré elle ou lui, l’endormissement, les réveils nocturnes, les rythmes décalés vont être un moyen de faire entendre quelque chose, et de faire de la place pour ça. Ça peut aller de : « J’ai vécu beaucoup trop de choses intenses aujourd’hui, mes émotions débordent complètement, je ne suis pas assez apaisé pour réussir à m’endormir, même si j’en ai vraiment besoin. » à « Maman, il y a un bébé dans ton ventre, c’est moi ton bébé, ça m’angoisse tout ça. » en passant par « Oui, je dors trop à la crèche, et le soir je suis en forme pour être avec vous, parce que j’aime mieux être avec vous qu’à la crèche ! » Et tant pis s’il-elle ne s’endort pas avant 23h et que vous devez vous lever le matin à 6h30. À ce moment-là, c’est le corps de votre enfant qui décide. Les terreurs nocturnes (1ère moitié de nuit) et les cauchemars (fin de nuit) viennent eux aussi dire quelque chose qui peut relever de l’angoisse ou d’une difficulté face à un évènement ou une situation.
De quoi votre enfant a-t-il-elle besoin ?
Au moment de l’endormissement :
- être dans un environnement suffisamment calme et sécurisant pour lui-elle
- pouvoir donner de la place à ses émotions en amont
- pouvoir apaiser ses tensions en amont
Lors des réveils nocturnes « anormaux » :
- si votre enfant est en capacité de s’endormir seul, être rassuré
- sinon, de votre présence pendant qu’il se rendort
Plus généralement :
- être entendu dans l’expression de son vécu et de ses besoins
- être capable de s’endormir seul (à partir de 4 mois environs, mais c’est très variable en fonction de chaque enfant)
Des outils en cas de difficultés
- Accueillir les émotions de l’enfant : qu’il s’agisse des pleurs de décharge d’un nouveau-né ou d’un enfant de 5 ans qui tape sur ses livres, vous pouvez, avec des mots et des gestes, reconnaître et accepter l’émotion qui s’exprime. Cela peut être un simple « Oui, j’entends que tu n’es pas content.e du tout » accompagné de bercements, de caresses, ou encore « tu as l’air énervé.e, est-ce que tu es en colère ? Est-ce que tu veux un câlin ?». Les mots indiquent que vous avez entendu ce qu’il-elle vous « dit », transforment une réaction de sa part en échange avec vous, et les gestes proposent un apaisement, et montrent votre soutien.
- Vous assurer que votre enfant est bien en période de pré-endormissement : dans les premiers jours, semaines, mois, années même, le rythme de votre enfant ne cesse d’évoluer. Souvent, c’est au moment où l’on pense qu’il ou elle a enfin un rythme stable que tout est bousculé. Si vous êtes persuadé.e que c’est l’heure de la sieste et que votre enfant fait la java dans son lit, vous pouvez essayer de repérer si les signes de fatigue sont bien présents, s’il ne s’agit pas d’un “pic d’éveil”, voir si son rythme habituel est toujours d’actualité en fonction de son âge, tout ce qui peut vous renseigner par rapport à ses besoins réels de sommeil. Cela vous permettra d’éventuellement ajuster ou réadapter son rythme si nécessaire, temporairement ou sur le long terme.
- Proposer une activité calme : si vous percevez que votre enfant est fatigué mais trop énervé pour s’endormir de la façon habituelle, vous pouvez lui proposer en plus une histoire, un massage, une chanson douce … Ces petits moments peuvent l’aider à s’apaiser et se recentrer, et peuvent permettre au sommeil de « gagner la partie ».
- Poser des limites et les tenir avec bienveillance : Si vous avez le sentiment que votre enfant pourrait s’endormir mais souhaite prolonger le moment, vous pouvez lui expliquer qu’il-elle est fatigué-e, et que c’est donc le moment de dormir. Après tout, l’heure de faire dodo, c’est trop important, c’est votre travail de parent-s de bien vous occuper de lui-elle, et ça veut dire faire ce qu’il faut pour qu’il-elle dorme assez, c’est pour sa santé. Il en va de même pour vos propres limites : si vous ne dormez pas assez, ça va être plus difficile de bien vous occuper de lui ou d’elle. Ces mots (ou d’autres qui vous conviennent) servent plus à poser votre rôle et votre intention bienveillante qu’à être littéralement compris par l’enfant. Vous n’argumentez pas, vous posez des mots sur une décision que vous prenez dans son intérêt (et respecter vos propres limites est dans son intérêt). La pose d’un cadre peut aider l’enfant à s’apaiser seul lorsque cela lui est possible. Vous connaissez mieux que quiconque les capacités de votre enfant en fonction de son âge, de sa sensibilité, de son besoin de sommeil … NB : laisser un bébé pleurer seul ne lui “apprend” pas à s’endormir, mais lui apprend plutôt à rester seul quand il ressent de la détresse.
- Pour les couples, jouer du rôle de chacun peut être intéressant : il est normal que chaque parent génère des réactions différentes chez l’enfant. Quelles que soient vos habitudes au moment du coucher, vous pouvez réajuster au coup par coup qui le met au lit en fonction de comment votre enfant réagit avec l’un.e ou l’autre. Cela peut vous soutenir dans la pose d’un cadre en particulier, encore une fois vous connaissez votre enfant et ses réactions mieux que quiconque.
- Chercher à comprendre ce que l’enfant vous dit : est-ce que tout va bien à l’école ? Y a-t-il eu un évènement perturbant dans votre famille ? Quel bénéfice retire-t-il ou elle de ce moment d’éveil ? Cela peut vous aider à comprendre son besoin, et à y répondre différemment, de façon à ce que les problèmes de sommeil ne soient plus “nécessaires”. Par exemple, si maman est enceinte et que l’enfant manifeste une angoisse en se réveillant la nuit, son besoin peut être d’être rassuré par rapport à la place qu’il ou elle tient “dans son cœur” et par rapport à la possibilité de rester l’objet de ses soins. Cela vous permet de lui parler, de veiller à prendre du temps lors duquel il ou elle peut rester “petit.e”, de valoriser son rôle de “grand.e”, la place de papa/maman …
- Si vous vous sentez à bout de patience et que vous craignez de perdre le contrôle de vos réactions, il peut être important de vous isoler de votre enfant le temps de vous apaiser un peu. Ce sont des moments, surtout la première année, lors desquels chacun.e peut être poussé.e bien au-delà de ses limites, jusqu’à en perdre ses repères de comportement habituels. Soufflez un grand coup, recevez tous mes encouragements et ma sympathie pour ce que vous traversez. Vous pouvez vous dire sans risque que vous faites du mieux que vous pouvez, et que votre enfant supportera d’être un peu seul. Si vous avez besoin d’un temps plus long, allez vérifier que tout va bien à intervalles réguliers.
Les réveils nocturnes avec sein ou biberon : Lorsque votre bébé se réveille la nuit et ne se rendort qu’avec le sein ou un biberon, vous pouvez vous appuyez sur quelques repères :
- Où en sont ses besoins en alimentation ? Son rythme d’allaitement ou de prise de biberon justifie-t-il une nouvelle tétée ? En cas d’allaitement maternel, s’agit-il d’une vrai tétée ou d’un tout petit en-cas ? Peut-on soupçonner un pic de croissance qui viendrait augmenter les besoins (par exemple, si cela fait quelques temps que les quantités restent les même, ou que votre enfant ne prend pas autant que ce que son âge le laisse supposer) ?
- Si vous en arrivez à la conclusion que votre enfant n’a pas besoin de boire la nuit (ce qui ne veut pas dire qu’il-elle n’a pas faim, juste que le jeûne de la nuit peut se prolonger sans difficulté), le biberon ou le sein, qui lui permet de se rendormir, lui apporte probablement le contact et la réassurance dont il-elle a besoin. Trouver une autre solution pour le ou la ramener vers le sommeil peut être délicat. En effet, il arrive que la nourriture soit la source d’apaisement de base, celle qu’on envisage en premier lieu et qui fonctionne toujours. Avec l’allaitement maternel, le rôle du sein comme tétine ou doudou autant que source de lait rend la distinction encore plus compliquée. Cela vous demande donc de basculer d’un mode de réassurance et d’apaisement à un autre (bercement, chanson, caresses sur la joue …), et de le faire accepter par votre enfant. Dans certains cas ça se fait très bien, dans d’autres ça semble peine perdue.
- Si vous êtes en difficulté et que vous souhaitez trouver une autre solution, vous pouvez vous appuyer sur tout ce qui vous aidera à vous sentir confiant.e.s dans votre capacité à passer le cap : entourage, professionnel.le.s, repos … Cela peut être une épreuve, tout ce qui viendra vous soutenir, vous déculpabiliser, vous apaiser, quels que soient vos choix, vos sentiments de réussite ou d’échec, est bon à prendre.
- La verbalisation est un outil précieux. Elle vous permet de dérouler votre intention, que votre enfant comprend d’autant mieux que vous utilisez des mots en accord avec celle-ci. Elle permet également de valider le vécu et l’émotion de l’enfant, de transformer des sensations vécues par l’enfant en réalité partagée qui a du sens.
Vous connaissez bien votre enfant ! La meilleure réponse à ses besoins reste celle qui vous parle le plus ou que vous trouverez vous-même.
Des outils en amont des difficultés
- Veiller à la régularité des rythmes : repas et sommeil notamment. Des points fixes de routine sont très rassurant, instaurent des repères sécurisants autour de ses besoins physiologiques, et permettent à l’enfant de pouvoir compter sur une réponse à ces besoins. Sachant que le repas ou le coucher va venir quand il-elle en aura besoin, il-elle reste disponible pour tout le reste malgré un début de faim ou de fatigue.
- Instaurer un rituel : Vous pouvez commencer dès 2 mois, ou dans les mois suivants. Une histoire, un livre, une chanson, un jeu calme, lumière douce, musique … L’idée est de passer un moment agréable, tranquille, avec des stimulations sensorielles propices à créer un sas entre la période d’activité et le sommeil.
- Accompagner vers une autonomie de l’endormissement : dans les premiers temps, un bébé s’endort généralement dans la sécurité du contact avec l’adulte, parfois dans la poussette ou le siège auto dans lesquels il se sent contenu. Aux alentours de 4 mois (parfois plus tôt, parfois plus tard), il-elle peut commencer à faire l’expérience de s’endormir seul.e dans son lit. Là encore, la verbalisation de votre proximité, du cadre que vous posez (“Tu vas t’endormir dans ton lit, je vois que tu es fatigué.e, nous sommes juste à côté, fais de beaux rêves …”) peut rassurer l’enfant par l’intention bienveillante que vous y mettez et qu’il-elle comprendra. Vous pouvez sortir de la chambre peu avant qu’il-elle s’endorme. Quand il-elle se sent à l’aise et en sécurité dans son lit, dans un environnement familier et un confort corporel et émotionnel suffisant, le bébé s’endort généralement seul assez rapidement. Cela lui permet, lors des micro-réveils nocturne, de pouvoir se passer de vous pour se rendormir. Si votre enfant n’est pas prêt.e, vous pouvez vous dire que c’est un peu comme le sevrage alimentaire : lui donner le sein ou le biberon tant qu’il-elle en a besoin ne signifie pas qu’il-elle en aura besoin toute sa vie. De la même façon que le besoin de lait maternel ou maternisé, le besoin de présence à l’endormissement évolue, et il est important d’y répondre tant qu’il se manifeste.
- Être vigilants aux signes de sommeil et/ou de fatigue : les besoins de votre enfant en sommeil sont en évolution constante, et souvent le meilleur repère est le comportement de votre enfant. Les émotions débordent et il-elle a un gros rhume depuis deux semaines ? Le nez bouché impacte peut-être la qualité de son sommeil. Il-elle se frotte les yeux au moment du repas ? Un coucher rapide après le dessert sera sans doute plus facile que d’attendre l’heure habituelle. Cela fait 3 semaines qu’il-elle se réveille 1 h plus tôt ? Ses besoins en quantité de sommeil ont peut-être évolués, il est peut-être possible de décaler l’heure du coucher.
- Prendre soin de soi et demander du soutien à l’extérieur quand et si c’est possible : j’enfonce une porte ouverte, mais nous aussi sommes impactés par les problèmes de sommeil. À qui ou à quoi pouvez vous faire appel ? Les grands parents, poser une journée, l’autre parent, une bonne sieste, un bain … Tout ce qui pourra vous donner du répit, vous permettre de vous ressourcer, vous aidera à vous occuper de cette question qui représente un des plus gros défis de la parentalité.
Et parfois, on a besoin d’aide.
Quand se tourner vers qui ?
À titre indicatif, d’autres solutions vous conviendront peut-être mieux, en dehors des consultations médicales, qui relèvent d’un danger pour votre santé ou celle de votre enfant
si votre enfant :
- hurle la nuit, est inconsolable → pédiatre ou généraliste (surtout quand l’enfant n’est pas encore assez grand pour dire s’il a mal)
- s’endort difficilement ou ne fait plus la sieste, suite à un évènement perturbant ou sans raison apparente → soutien parental, psychologue
- ne fait pas ses nuits après 12-18 mois alors que ses courbes staturo-pondérales ne présentent pas d’anomalie → soutien parental, psychologue
- ne fait pas ses nuits après 12-18 mois avec une anomalie dans ses courbes staturo-pondérales → pédiatre ou généraliste
si vous :
- êtes épuisé.e.s, “à bout”, dans la première année de votre enfant → accompagnante périnatale, postnatale, auxiliaire parentale
- êtes épuisé.e.s, “à bout”, dans la première année de votre enfant, et vous reconnaissez dans les symptômes de la dépression du post-partum → sage femme, puéricultrice, médecin
- êtes épuisé.e.s, “à bout”, quel que soit l’âge de votre enfant, avec le sentiment d’avoir essayé tout ce qui vous semble acceptable → soutien parental, psychologue
- vous sentez démuni.e.s pour sevrer votre enfant du sein la nuit → conseillère en lactation
- vous sentez démuni.e.s pour sevrer votre enfant du biberon la nuit → soutien parental, psychologue
Des ressources supplémentaires
Sur la partie “technique” du sommeil de l’enfant :
Le site “Soin de nos enfants”, une information élaborée par des pédiatres canadiens en Français
Le carnet “Sommeil et scolarité” de l’INSV
Document d’information sur le syndrome du bébé secoué
J’essaie d’être aussi exhaustive que possible. Si vous n’avez pas trouvé de réponse, faites-le moi savoir.