Phase d’opposition

Qu’est-ce que c’est ?

Votre enfant grandit. Son cerveau poursuit sa croissance, ses connections neuronales sont de mieux en mieux gainées par la myéline, cette substance qui les entoure et les isole. Vers 18-24 mois, cela peut se traduire par un comportement d’opposition, en particulier à tout ce que vous lui demandez de faire ou de ne pas faire, qui peut se poursuivre jusqu’à 4 ans.

Que se passe-t-il pour votre enfant ?

Jusqu’ici, la différence entre soi et le reste du monde n’était pas si évidente. Lors de la phase d’opposition, il-elle est en train de découvrir qu’il-elle est “soi”, et pas le reste.

En tant qu’adultes on l’oublie souvent, mais une des manifestations de “soi” la plus concrète, c’est ce dont on a envie, ce qu’on veut et ne veut pas. Il-elle ne s’oppose pas à vous, il-elle cherche à s’appuyer contre vous pour se découvrir. Mais la question se pose : où s’arrête qui je suis ? Quelles sont mes limites ? Pour être plus claire, est-ce que je peux toujours faire/être tout ce que je veux, ne jamais faire/être tout ce que je ne veux pas ?

Qu’est-il-elle en train de vous dire ?

L’enfant est à 1000 lieues de pouvoir rationaliser tout cela, faire la part des choses entre ce qu’on veut et ce qu’on doit faire. Il-elle vous dit : “je suis moi”, et fait comme les autres “moi” qu’il-elle connaît (dont vous) pour affirmer ses envies et ses dégoûts. Les “non” systématiques du début sont une façon d’imiter les adultes qui le disent souvent. Parfois il-elle affirme, tout simplement, ce qu’il-elle aime ou n’aime pas. Parfois c’est plus rocambolesque : hier, tata a dit quelque chose qui avait l’air trop chouette, “je rentre à pied”. Je dis comme elle : “je rentre à pied”, et je vais faire ça, ça c’est moi. Il-elle vous demande aussi : “Quelles sont mes limites ? Où est-ce que je m’arrête ?” Et parfois, il-elle ajoute : “La frustration, c’est trop difficile, je n’y arrive pas tout-e seul-e. 

De quoi votre enfant a-t-il-elle besoin ?

  • se sentir entendu dans son affirmation de soi
  • pouvoir explorer ses capacités
  • savoir quelles sont ses limites et celles du monde
  • être soutenu dans sa gestion de la frustration

Des outils en cas de difficultés

  • Reconnaître l’affirmation de soi : Vous pouvez valider par vos mots ce qu’il-elle exprime, et lui montrer que vous avez bien entendu. Une des façons les plus simple de le faire est de simplement reformuler : “Mais oui, j’entends ça, tu veux rentrer à pied.”
  • Répondre à son besoin d’exploration : est-ce qu’il-elle peut rentrer à pied ? Vous savez ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, en fonction de l’enfant, de vous, des circonstances. La distance peut-elle se faire en marchant ? Avez-vous le temps ? Parfois, discuter de ce qu’il-elle voulait suffit, en le faisant exister par des mots. “Ce serait comment de rentrer à pied ? On marcherait ? Ce serait une balade ?” Vous pouvez également proposer une alternative acceptable. Dans cette situation, et c’est du vécu, rentrer à pied, mais en étant assis sur le siège enfant du vélo de papa.
  • Repérer les limites et les tenir avec bienveillance : Les limites ne sont pas les règles, elles changent au gré de la météo, de la santé, de l’environnement … Avant 3 ans, l’enfant n’est pas en capacité de s’approprier les règles et leur sens, mais comprend les limites et votre intention. Vous pouvez les nommer et les justifier. “La route est trop dangereuse.” “Je suis trop fatigué-e et si je me fatigue plus, je ne pourrai pas bien m’occuper de toi …” Si cela ne suffit pas, vous pouvez lui expliquer : “C’est trop important, on est obligé de faire comme ça parce que sinon, c’est trop dangereux/ maman-papa va arriver en retard au travail/ je ne vais plus avoir de patience… tu es encore trop petit-e pour pouvoir faire comme je te demande, alors je fais à ta place.” Vous pouvez alors l’installer sur le siège du vélo en verbalisant sa frustration et son désarroi. L’important ici est d’être convaincu-e de faire ce qu’il faut pour votre enfant, et de le nommer. À de rares exceptions près, si vous avez la certitude de faire ce qui est bon pour lui-elle, il-elle protestera mais vous rejoindra. Ces mots (ou d’autres qui vous conviennent) servent plus à poser votre rôle et votre intention bienveillante qu’à être littéralement compris par l’enfant. Vous n’argumentez pas, vous posez des mots sur une décision que vous prenez dans son intérêt (et respecter vos propres limites est dans l’intérêt de votre enfant).
  • L’aider à sortir de sa frustration : Vous pouvez chercher à le-la rejoindre pour mieux passer à autre chose. Vous pouvez poser des mots sur son émotion. “Tu es en colère” transforme une réaction physique envahissante en “quelque chose” dont on peut parler. Cela vient aussi dire que vous êtes présent-e, vous reconnaissez cette partie de lui-elle qui s’exprime. Vous pouvez aussi reconnecter votre attention et la sienne sur quelque chose qui vous convient à tou-te-s les deux. “Je vois bien que tu aurais voulu rentrer à pied, ça te fait de la peine. Regarde le joli papillon qui est là, on va le voir ?” En créant un moment d’apaisement partagé, votre enfant vous rejoint aussi et a la possibilité de changer de situation.
  • Et s’il y avait autre chose ? : Si votre enfant ne s’apaise pas, vous pouvez vous demander si ce refus catégorique ne vient pas d’autre chose que la simple affirmation de soi. Le siège vélo est-il inconfortable ? Votre enfant a-t-il-elle peur des voitures ? Les chaussures ne le gênent-il-elle pas trop ?

Vous connaissez bien votre enfant ! La meilleure réponse à ses besoins reste celle qui vous parle le plus ou que vous trouverez vous-même.

Des outils en amont des difficultés

Favoriser l’autonomie : dans un cadre avec lequel vous êtes à l’aise, qui soit agréable pour vous. Réservez des espaces dans lesquels votre enfant pourra explorer ce qu’il-elle est capable de faire : s’habiller, choisir ses vêtements, allumer le robinet, faire un gâteau, mettre la pièce dans le caddie … Encadré par vous, la possibilité de vous demander de l’aide, un regard vigilant de votre part pour éviter une mise en danger, le mettront dans des conditions sécurisantes. Cela vient favoriser l’estime de soi : le sentiment de maîtriser et d’être capable lui donne un ressenti positif de lui-même lors de cette période-clé de son développement. S’il essaie sans réussir, ou se trompe, il apprend à faire des erreurs. En réagissant de façon bienveillante, en proposant une solution (« ah zut, la farine est tombée, on va la ramasser et continuer le gâteau »), vous lui montrez qu’il-elle est capable même s’il-elle se trompe.

Jouer selon ses règles : en prenant le temps de vous poser avec votre enfant, d’être présent et attenti-f-ve, il-elle va dérouler, défouler ce qu’il se passe dans sa petite tête en se sentant exister à vos yeux, donc aux siens. Essayez de limiter les règles à celles de la sécurité, et laissez faire … vous pouvez réservez des temps de la durée et à la fréquence qui vous conviennent.

Lui proposer des choix restreints : L’enfant “veut” ceci et “ne veut pas” le reste, ou “ne veut pas” ceci. Lui demander de choisir parmi une multitude d’options ne lui ouvre pas nécessairement la porte d’un “je veux”, mais vient plutôt apporter un message contradictoire. Avoir un choix quasi illimité à l’exclusion de l’option qu’il désire peut le-la perdre. Se voir proposer une, deux options alternatives est cohérent avec la limite qu’il-elle rencontre.

Et parfois, on a besoin d’aide.

Quand se tourner vers qui ?

À titre indicatif, d’autres solutions vous conviendront peut-être mieux

si votre enfant :

  • entre en opposition avec vous sur des sujets qui impactent son équilibre (sommeil, alimentation …) ou l’équilibre familial (retards systématiques, fratrie perturbée, désaccord entre parents …) → soutien parental, psychologue
  • a des réactions extrêmes que vous ne parvenez pas à contenir et vous mettent en difficulté (se blesse, entre en crise, mord, tape, ne s’apaise pas, se met en danger trop souvent) → soutien parental, psychologue
  • vous “embobine”, contourne, argumente, cherche le moyen d’obtenir ce qu’il veut par des moyens qui semblent “calculés” → soutien parental, psychologue
  • continue à s’opposer à vous de façon systématique et, selon toutes apparences, volontaire, après 4 ans → psychologue

si vous :

  • vous sentez épuisé-e, êtes en difficulté au quotidien dans votre organisation → soutien parental
  • rencontrez une difficulté à poser des limites, craignez d’en mettre trop ou pas assez → soutien parental, psychologue
  • avez le sentiment d’être entré-e dans un conflit systématique avec votre enfant sans réussir à en sortir → soutien parental, psychologue
  • vous sentez trop blessé-e par sa réaction, vous sentez en colère de façon impulsive et très fréquente, ou durable → psychologue

soutien parental : écoute, soutien, repères sur les besoins et le développement de l’enfant, proposition de solutions pratiques en accord avec vos valeurs et vos ressources, orientation vers d’autres professionnels au besoin

psychologue : écoute, soutien, travail sur les enjeux personnels et familiaux sous-jacents à votre situation, orientation vers d’autres professionnels au besoin

Des ressources supplémentaires

Une sélections de livres pour enfants.

J’essaie d’être aussi exhaustive que possible. Si vous n’avez pas trouvé de réponse, faites-le moi savoir.